samedi 12 juin 2010

Articlologie 3 : le Destructor

Puisque la vie continue et qu'il ne me reste plus qu'à attendre que deux personnes renoncent à leur bourse (pour résumer très rapidement le branle-bas de combat qui a eu lieu cette semaine), après l'article mouchophile et l'article freudianoridicule, voici un autre type d'article sur lequel mes Passionnantes Recherches sur Posidippe m'ont donné l'occasion de tomber : le Destructor.

Le principe du Destructor est simple : niché au milieu d'un recueil d'autres articles globalement positifs sur tel ou tel auteur, il commence par faire semblant d'apporter sa pierre au moulin, puis se livre à une descente en règle sous couvert d'analyse. Dans le cas qui nous occupe, il s'agissait de comparer ledit Posidippe avec un autre grand poète des débuts de la littérature hellénistique (i.e. fin IIIème siècle avant J.C.), Callimaque.

Petit résumé de la première partie : "CALLIMAQUE est grand, beau et fort ; il est entouré de tous les plus brillants esprits de son époque ; la cour des Lagides (les rois d'Egypte après la mort d'Alexandre le Grand, dont la Cléopâtre de César est une des dernières représentantes) l'estime à un point inconcevable. Il écrit des poèmes teeeellement variés et spirituels : cet homme est un génie, il sait tout faire. C'est un héros de la littérature, un Modèle pour l'Humanité, un... Hum, bon, bref."

C'est alors qu'on passe au coeur de notre sujet, Posidippe : "Pendant ce temps-là, Posidippe est un pouilleux qui, après un séjour avec d'autres poètes dans l'île de Samos - période d'où date le meilleur de sa poésie : mais quel dommaaaaaage que sa jeunesse en fasse quelque chose de si peu abouti, surtout par rapport à ce que faisait CALLIMAQUE au même moment -, se retrouve tellement dans la dèche qu'il se voit obligé de se faire épigrammatiste professionnel. Cela explique un certain nombre de traits de sa poésie : son caractère terrrrrriblement concret et adapté à la situation - eh oui, il faut que cela corresponde aux attentes du client (qui, comme chacun sait, est roi), afin qu'il soit content ; alors que CALLIMAQUE, lui, sait teeeeellement bien faire des épigrammes si délicieusement fictives -, l'absence totaaaale de subtilités mythologiques - car son public de ploucs n'y aurait rien compris ; tandis que CALLIMAQUE, lui, sait être teeeeellement spirituel et était entouré de gens si cultivés et de si bon goût !-, son vocabulaire si technique - pour que client content, il est nécessaire de parler de ce qui fait son univers ; alors que CALLIMAAAAQUE, lui...!-. Et puis, Posidippe est tellement un crétin qu'il n'a pas compris que ce sont les Syriens qu'il faut flatter, pas les Macédoniens, parce que c'est le côté syrien de la famille qui domine à la cour : ah, mon Dieu, quel manque de jugeotte ! Tandis que CALLIMAAAAQUE, lui...!"

Et cela pendant soixante pages.

Je me demande bien ce que ses collègues ont pensé lorsqu'ils ont découvert, au milieu de leurs articles, qui, globalement, réhabilitaient ce poète (je ne suis pas très fan de la littérature hellénistique, mais je ne vois pas le problème d'une poétique du concret), cette chose qui démolissait l'objet même de leurs recherches.

Quand on sait, en plus, que le gars en question apparaît dans presque tous les grands recueils d'articles sur Posidippe, on en vient à se poser des questions. Mais, finalement, ce ne serait pas le seul exemple de chercheur ayant paradoxalement passé toute sa vie à travailler sur un auteur qu'il haïssait.


Statue représentant Posidippe (regardez, son nom est inscrit en grec sur la base) tenant un rouleur de papyrus à la main, d'où son identification avec l'épigrammatiste, qui, dans un de ses derniers poèmes, souhaite qu'on le représente ainsi - Museo Pio-Clementino, Rome.

2 commentaires:

  1. Quel intérêt de travailler sur une personne qu'on haïe :o! Autant l'ignorer... je trouve que ça révèle un trouble psychologique et que Freud aurait beaucoup de choses à dire! :p

    PS : Tu lis les mots d'une future hypokhagneuse *_* ! J'ai été accepté à mon vœux 3 à Metz! ( Et en liste d'attente pour mon vœux 1 à Strasbourg :p )

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  2. Super ! Je suis très contente pour toi ! Il ne te reste plus qu'à passer le bac, mais je suis sûre que ça ira comme sur des roulettes !

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