jeudi 3 juin 2010

Journée de merde

Déjà, ça avait mal commencé : le prof de littérature hellénistique (vous vous souvenez ? celui qui nous faisait deux fois le même cours) avait pris un air encore plus vague et endormi que d'habitude et s'était gratté la tête pensivement, avant de demander : "Ah... oui... c'est vrai qu'il y a les validations... Comment on va faire, alors...?" Il restait dix minutes à son tout dernier cours : il était temps.

Evidemment, personne n'avait osé ouvrir la bouche : ça faisait environ cinq minutes qu'on avait tous plus ou moins considéré comme acquis qu'il validerait à la présence, il n'était pas question de lui suggérer de nous donner du boulot en plus, en cette période où on en a déjà par-dessus les oreilles.

"Bon, eh bien... je ne sais pas... je pense que je vais vous faire passer de petits entretiens sur mon cours... Mardi prochain, ça vous va...?" L'helléniste conscrite (i.e. en première année) à l'ENS est sur le point d'acquiéscer, mais je la coupe : "Non, monsieur, moi je ne peux pas. - Vous êtes sûre ? - Ah oui, absolument. Je suis à Lyon (mon fameux voyage d'étude à Lyon). - Ah... bon... dommage... - Mais je peux vous envoyer quelque chose par mail, si vous voulez. - Ah... oui... Eh bien, on va faire comme ça pour tout le monde, alors... Vous allez me faire une fiche sur Posidippe (un poète hellénistique) ou sur le Nimruh Dag (un monument funéraire en Turquie)".

C'est alors que la conscrite, qui peut tout à fait, quand elle veut, se comporter en caricature de normalien voulant à tout prix et, surtout, crétinement, montrer à ceux de la fac qu'il leur est supérieur, se précipite pour demander, d'un petit air entendu et satisfait d'avance de sa sortie : "Avec une bibliographie ?" Le prof, ravi : "Oui... enfin, vous n'êtes pas obligés... mais c'est toujours mieux avec une bibliographie...". Consternation dans les rangs : s'il faut une biblio, ça vaut dire qu'il va falloir perdre un nombre substantiel d'heures à lire des articles pour rien. Visiblement, y en a des qui vont avoir vraiment besoin de quatre ans pour apprendre ce que signifient les regards noirs lui intimant de la fermer.


Ça, c'était il y a une semaine. A l'époque, j'avais déclaré que je n'en avais rien à faire et qu'il attendrait que j'aie fini mon mémoire et pas une semaine, comme annoncé sur le moment. Aujourd'hui que j'ai fini de rédiger (et que, soit dit en passant, mon Chef s'est bien marré en apprenant que j'avais encore ce truc improbable à faire), il faut bien que je m'y mette. Je me lève donc ce matin et j'ouvre ma littérature grecque : rien, i.e. un demi paragraphe, donc rien.

Je pianote sur l'Année Philologique et sélectionne une dizaine d'articles et d'ouvrages récents. Je vais sur le site de la bibliothèque, trouve mes articles, mais les ouvrages les plus importants sont... empruntés. Texto au copain lui aussi à Nanterre : "Dis-moi que ce n'est pas toi qui a emprunté TOUS les bouquins sur Posidippe ?" Réponse : "Non, j'ai tout rendu jeudi."

Je commence alors à me faire bouillir la rate : on est trois, si ce n'est pas lui, étant donné que ce n'est pas moi, c'est elle. Non seulement elle fait chier tout le monde, mais, en plus, elle la joue perso en monopolisant tous les bouquins. Je lui envoie un mail plus ou moins incendiaire, sur le thème : "Tu es mignonne, mais tu vas apprendre à te moucher toute seule et rendre fissa ces livres à la bibliothèque, parce que tu n'es pas la seule à en avoir besoin." Réponse indignée : "Ce n'est pas moi, je bosse sur l'autre sujet et je trouve très injuste d'être agressée comme ça." Re-réponse : "Toutes mes excuses, mais aussi, avec ta sortie sur la bibliographie, tu m'avais déjà gonflée."

Malgré tout, je vais à la bibli : j'ai quand même d'autres ressources, à part ces bouquins. Mon n°1 a... disparu ; mon n°2 aussi, tout comme mon n°3, avec, en plus, toute la collection des Studi di egittologia e di papirologia. Par la suite, je me rends compte que toute la partie du rayonnage consacrée à Posidippe est vide. Je n'ai pu mettre la main que sur UN ouvrage, réchappé du cataclysme on ne sait comment. Il n'y a PLUS RIEN d'accessible sur Posidippe à la bibliothèque de l'Ecole normale supérieure. Incroyable, mais vrai.

Je finis par aller à l'accueil pour demander s'ils ne peuvent pas me passer le nom de la personne qui a emprunté tous les bouquins, que j'essaie de trouver un accord avec elle. Et là, ils me donnent... le nom de mon pote. "Je suis désolée, ce n'est pas possible, il m'a dit qu'il les avait rendus. - Bah, écoutez, contactez-le, parce que, là, ils sont sur sa carte. - Non, mais, je l'AI contacté ce matin et il m'a dit qu'il ne les avait plus ! - Bon, ben, dites-lui de passer pour régler la situation, alors... - Et pour les bouquins, je fais comment ? - Ben... je suis désolée pour vous..." Super. J'ai perdu deux heures et je n'ai rien pour travailler.

Devinez qui va se taper la fermeture, demain, à la BNF...?

Et en plus, les résultats des bourses de thèse ne sont toujours pas tombés...

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