mercredi 31 mars 2010

Attentat au beurre

Laissez-moi vous expliquer : depuis un peu plus d'un an, tous les mercredi, à l'internat, c'est Repas-Kolkhoze ; notre petit groupe d'antiquisants (ou d'ex-antiquisants de l'étage, depuis que y en a des qui sont partis comme lecteurs à l'étranger, voire, pire, qui sont retournés à Ulm pour leur quatrième année - lâcheurs, va !) et amis de l'étage se rassemble pour manger ensemble et chacun fait la cuisine pour tout le monde à tour de rôle. L'année dernière, agrèg' oblige, c'était par binôme, histoire que ça ne prenne pas trop de temps et d'argent, vu qu'on était plus nombreux que cette année (saletés de pays anglo-saxons ! Air France et Eurostar devraient faire des réductions spéciales "repas-kolkhoze du C2"). C'est sympa et ça nous permet de nous voir, surtout cette année, où nous avons tous des emplois du temps différents.

Hier, c'était mon tour. Au menu : cake poire-chèvre et salade olio-limone avec des pignons de pain et, en dessert, sablés orange-graines de pavot bleu et compote de pomme à l'orange aussi (ça a peut-être l'air fort, comme ça, mais en fait c'est tout con à faire).

Etant donné que j'essaie d'avoir une vie en ce moment (i.e. que mon ami pianiste jazz a été réembauché à Montmartre et que j'ai donc passé mon mardi soir à essayer de faire pleuvoir), je m'étais organisée un chouïa à l'avance et j'avais fait mon cake la veille. Mercredi, en rentrant de Nanterre à 16h, dans l'espoir de pouvoir finir mon référencement de la Vie de Néron dans mes index (post à venir), j'ai voulu gagner du temps. Et pour gagner du temps, étant donné que, pour faire des sablés, il est plus facile de pétrir, dans la farine, du beurre ramolli, je me suis dit : «Je mets ma plaquette deux minutes sur le radiateur et hop ! ni vue, ni connue, j't'embrouille !» Et j'ai bien sûr choisi le plus chaud, celui de ma salle de bain.

Oui. Sauf que : je l'ai oublié.

Après avoir pelé mes pommes et les avoir coupées en morceaux, que j'ai mis à cuire à feu doux dans une casserole avec un peu d'eau au fond, je me suis occupée de mes oranges, j'ai mesuré et versé dans un saladier la farine, le sucre et la levure et je me suis dirigée, sans me douter de rien, vers ma salle de bain. Ma plaquette m'attendait là, en apparence intacte. J'aurais dû me souvenir de Platon : toujours se méfier des apparences.

La gourde que je suis a avancé la main pour s'emparer de la plaquette en pensant déjà : «Bon, j'ai tout préparé, je vais pouvoir avoir les mains pleines de beurre sans devoir prendre au dernier moment un truc que j'ai oublié dans le placard». Je ne croyais pas si bien dire, car c'est là que, spliouch (appréciez cette retranscription du bruit de la plaquette de beurre fondu révélant le Piège qu'elle recélait) ! mon beurre m'a explosé à la figure.

Passé un premier moment de stupeur («WTF ???!!!»), je me suis retrouvée avec un emballage plastifié presque vide dans la main et des projections partout sur le mur (et rien sur moi, par un bol incroyable). Baissant machinalement les yeux pour évaluer les dégâts, je me suis alors rendue compte qu'il y avait une mare de beurre fondu sous mon radiateur, mare qui aurait dû m'alerter, si je l'avais vue avant, bien sûr... J'ai quand même remercié les Mânes d'Apicius pour le fait de ne pas avoir mis les pieds dedans...

Je lance donc maintenant un Appel à Contribution : comme vous vous en doutez, nettoyer l'intérieur d'un radiateur, c'est pas de la tarte, surtout quand c'est du gras. Depuis hier, malgré mes efforts, il en dégoûte gentiment par le bas et ma salle de bain embaume le beurre fondu, ce qui n'est pas exactement ma tasse de thé : moi, j'ai été élevée à la méditerranéenne, donc je fais toute ma cuisine à l'huile d'olive et je n'achète du beurre que quand j'ai de la pâtisserie au menu ; je ne suis donc par conséquent pas une grande fan de l'odeur de beurre fondu. Alors, si quelqu'un a une idée géniale pour m'aider à nettoyer tout ça, je suis archi preneuse !


Ps : Désolée pour ce silence d'une semaine, mais je viens de finir de rédiger ma première partie (post là-dessus à venir aussi), donc les messages devraient être plus nombreux dans les semaines à venir.

jeudi 25 mars 2010

Cauchemar statistique

Ça se confirme, je suis vraiment une brèle de chez brèle avec Excel. Et j'espère sincèrement que mon informaticien de frangin ne passe pas par ici, sinon je vais me faire vanner pendant dix ans minimum. Déjà que je lui ai laissé un message en pleurs sur son répondeur, hier matin, parce que Gmail buggait tellement qu'il faisait comme si je n'avais pas de compte...

Pour ce qui est d'Excel, j'ai vaguement eu des cours là-dessus quand j'étais en première L, en "maths-informatique" (qui consistait à nous apprendre à calculer les remises lors des soldes et à bien tenir informatiquement le budget familial ; plus réactionnaire, il n'y avait que le programme de bio : comment on fait les bébés et comment bien nourrir vos enfants et votre mari. Inutile de dire que j'étais furieuse), mais ça commence à faire loin, maintenant.

J'ai quand même eu le réflexe de faire là-dessus mon relevé d'occurrences des termes en rapport avec l'idée de rumeur. Du coup, j'ai un joli tableau tout choupinou, dont je me demande comment je vais pouvoir le bricoler pour que ça me fasse une annexe potable. Avec ces chiffres tout mignons, j'ai fait tout un tas de calculs, pour savoir s'il y avait plus de passifs qu'actifs, de passés que de présents, etc.

Le problème, c'est que ça ne tombe jamais d'aplomb.

Déjà, pour le relevé d'occurrences lui-même (donc avant le tableau), je m'étais arrachée les cheveux : j'en avais trouvé d'autres à la relecture et la vérification à l'aide de mon ami Diogène m'avait obligée à tout revoir paragraphe par paragraphe, ou presque : l'horreur. Mais tandis que je trimais, pour me donner du courage, je me disais : «Allez, courage, ma vieille ! Là, tu en chies, mais ensuite, ce sera nickel !"

Erreur. Grave erreur.

Ce n'est jamais nickel. Que je n'aie absolument pas l'esprit abstrait et mathématique n'est pas un scoop, mais là, j'ai eu beau tout essayer, ce n'était jamais bon, alors que je ne travaillais que sur un échantillon relativement réduit, à savoir : seulement sur les verbes. J'en ai en tout 198 et, selon les catégories que je faisais, si j'avais le malheur de vouloir calculer le total pour vérifier, j'en trouvais 196 ou 204. Quand je suis tombée sur le chiffre tout à fait ahurissant de 228, j'ai pété un plomb.

A la fin de l'après-midi, exténuée (parce que ça me bouffe de l'énergie, cette connerie !) et déprimée devant mon I.3.b) au point le plus mort possible (déjà que le I.3.a) était subclaquant...!) pour cause de recherches et calculs préparatoires interminables, je fixais mon ordinateur d'un air totalement hébété, parce que mes 198 verbes réunis après avoir été répartis en nouvelles catégories étaient à nouveau devenus... 202.

J'avoue, j'ai hésité à 1) soit ne pas faire des recherches pour voir si les idées que j'avais eues menaient à quelque chose, en m'imaginant mentant à ma soutenance : «Et dans cette direction, mademoiselle, vous avez pensé à chercher ? - Ah non, tiens, je n'ai pas eu l'idée !» ; mais déjà que je ne peux pas penser à tout et que, même si je vérifie toutes les idées saugrenues qui me viennent à l'esprit, j'aurai quand même droit à ce genre de demande inattendue, alors si en plus je prévois le bâton pour me faire battre... ;

ou 2) soit à faire comme si je ne m'étais pas rendue compte que mes totaux donnaient des résultats fantaisistes, changeant au gré du vent... Mais, là, je me heurte à mon sur-moi en béton armé, aussi appelé "Voix-de-ma-Conscience", qui ne cesse de me répéter : «Franchement, ce n'est pas sérieux... C'est ni fait, ni à faire, ton truc !»

Autre inconvénient : je ne connais pas le degré de perversité de mes futurs examinateurs (enfin, si, j'en connais un, puisqu'il y aura nécessairement mon directeur, qui n'est pas pervers pour un sou), mais, même s'ils ne décident pas de vérifier mon relevé occurrence par occurrence (je suis aussi en train de faire des index, mais j'avoue que j'ai un peu balancé avant de m'y mettre, parce que c'est quand même le truc qui pourra permettre de me faire chier sur le thème : «, mademoiselle, vous annoncez trente tradere et on n'en compte que vingt-neuf !!!» Ceux qui me traiteront de parano n'ont jamais passé une soutenance de thèse ou de master), il ne suffit que d'un clin d'oeil et de vagues connaissances dans l'art et la manière de faire une addition (connaissances dont même moi suis pourvue) pour voir que, dans un cas, ça fait 198, dans l'autre 202 et dans le troisième 196.

Je me suis donc accordé une demi-heure de crisage intense et j'ai sorti les grands moyens : le passage des caractères en différentes couleurs.

Ça, je connais, c'est comme ça que je vérifie mes comptes (toujours sur Excel, donc) : en rouge tout ce qui n'a pas été vérifié, qui passe en noir au fur et à mesure que je le trouve dans le relevé de la Poste. Fallait y penser, Lina l'a fait. Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, à coup de "search & find", j'ai mis en rouge les différents critères que je voulais prendre en compte à chaque fois, puis je relevais les verbes qui les présentaient tous (par exemple "actif et verbe de parole" ou "passif et verbe de pensée").

Evidemment, c'est pô très rapide ; j'ai mis environ deux heures à faire mon premier tableau et il m'en reste encore au moins quatre. Mais, maintenant que j'ai trouvé une parade qui marche et qui me permet de visualiser les choses (j'ai lu quelque part que la différence entre les littéraires et les scientifiques, c'était que les premiers ont besoin de toujours visualiser les choses, tandis que les seconds n'ont aucun problème avec les abstractions pures - dans mon cas, c'est résolument vrai), j'espère aller plus vite et finir, si possible, avant minuit.

En attendant, si Chéri pouvait se téléporter depuis l'Italie pour venir me faire un petit massage du cou, ce serait le rêve, parce que j'ai les trapèzes pour le moins douloureux... :S

lundi 22 mars 2010

Entrer à l'ENS, bis : le diplôme.

Je viens de me rendre compte que je n'ai pas parlé d'une autre manière d'entrer à l'ENS, à part le concours : le "diplôme".

Les étudiants admis à passer le diplôme sont ceux qu'on appelait auparavant les auditeurs libres. Avant, ils assistaient aux cours comme tout le monde, maintenant ils passent le "diplôme", c'est-à-dire qu'ils doivent payer environ trois cents euros pendant trois ans et "valider" les cours auxquels ils ont assisté.

Je mets certains mots entre guillemets, parce que les validations dépendent des profs : exposé, assiduité, etc. Il faut savoir que le diplôme s'est fait contre l'avis des élèves, des étudiants et des profs («Vous voulez qu'on mette en place un diplôme ? - Non ! ça ne servirait à rien ! - Eh bien, vous l'aurez quand même ! Vous voulez qu'il soit payant ? - Non ! ce serait faire payer encore plus les étudiants ! - Eh bien, ça le sera quand même !») et que rien n'est vraiment fixé.

C'est donc une sorte d'objet indéfini non identifié, que tous ceux qui le préparent ont, sauf à ne vraiment rien foutre du tout. Personnellement, je l'ai fait pendant deux ans et j'ai laissé tomber l'an dernier, quand j'ai appris que, sur décision de l'administration, il allait falloir que les élèves paient même pendant leur année d'agrèg', alors qu'on ne peut valider aucun séminaire de la préparation. Je suis gentille, mais pas concon. La différence, c'est que, comme élève, je ne suis pas obligée de faire le diplôme (qui, comme nous a dit Monique le jour de nos conférences de rentrée, lorsqu'on était conscrits, "n'est pas obligatoire, mais n'est pas facultatif non plus") ; les étudiants, si, mais ça se passe bien en général.

Le grand avantage de cette "préparation au diplôme", c'est surtout qu'elle permet de rentrer à l'ENS même si on n'a pas été reçu au concours. Ce sont les khûbbes qui sont visés et il faut préparer son dossier avant de passer le concours ; les résultats seront connus après. Quand vous êtes pris comme étudiant, vous êtes rattaché au département pour lequel vous avez postulé et vous ne pouvez plus en changer (contrairement aux élèves) : ce système a été en effet mis en place pour récupérer les gens qui sont excellents dans leur matière de prédilection, mais pas assez bons ailleurs pour entrer par le concours. La préparation à l'agrégation n'est pas comprise dans le diplôme, il faut déposer un nouveau dossier, mais, là encore, l'immense majorité de étudiants y sont acceptés.

Vous ne serez, cependant, pas considéré administrativement comme un élève : pas de salaire, pas de logement, pas d'engagement décennal. Pour le reste, vous suivez les cours exactement comme tout le monde, vous avez, comme tout le monde, accès aux clubs et diverses activités du BDE et personne, ni parmi les profs, ni parmi les élèves, ne vous regarde bizarrement parce que vous êtes étudiant et non élève.

Quand j'ai khûbbé, je n'ai pas préparé de dossier pour le diplôme : on était au début de la mise en place de la procédure et, après avoir déjà échoué une première fois en ayant passé les oraux, je préférais n'être qu'à la fac en cas de nouvel échec. Avec le recul, je me dis que c'était une bêtise : ce qui est intéressant à l'ENS et fait la force de cette Ecole, c'est son enseignement ; quand on a vraiment une chance de pouvoir en profiter, il faut la tenter, parce que, au final, ce qui compte, quand on veut faire ce boulot le mieux possible, c'est la formation. Autre avantage : ça permet aussi d' "alléger" (si possible) la pression du concours lorsqu'on en est déjà à sa deuxième, voire troisième, khâgne.

Alors, si vous khûbbez, réfléchissez-y, ça vaut le coup.

Et rappelez-vous : même si vous n'êtes à l'ENS ni avec le concours, ni avec le diplôme, ça ne veut absolument pas dire que tout est foutu : il y a une vie en dehors de cette Ecole ! La fac, c'est bien aussi !

vendredi 19 mars 2010

Par ici, les cochons ! :p

Un des petits plaisirs de la vie, lorsqu'on travaille sur les rumeurs dans les Douze Césars de Suétone, c'est qu'on a tout un tas d'exemples cochons à placer en plein milieu d'un développement linguistique assez technique. C'est comme les dernières pubs pour une certaine banque au charmant logo orange (non, ce n'est pas le Modem ; d'un autre côté, si c'était lui, ça voudrait dire qu'ils ont réussi à photographier les quelques pauvres électeurs qui ont voté pour eux) : on vous fait mariner pendant quelques jours en jouant sur votre mauvais esprit (avouez que vous y avez pensé ! Pas moi : j'ai deviné tout de suite que c'était une banque ; il n'y a qu'eux pour prendre suffisamment les gens pour des crétins) et ensuite, oh ! surprise ! ce n'était pas du cul, mais une ouverture de compte ! Waow ! ça doit être génial ! Je pense que je vais faire pareil, mais avec du chocolat et... Bon, bref.

La différence, c'est que, moi, c'est l'inverse : eux font passer l'amer en vous faisant croire qu'ils ont du miel ; moi, je vous donne le coup de burnous d'abord et ensuite, je l'égaye. Ça vous met l'eau à la bouche, hein ? :p

Alors exemple : dans un premier temps, je vous ai assommés en vous démontrant magistralement que le mot rumor (je ne traduis pas, c'est transparent) renvoie, comme sens premier, à un bruit relativement confus. Je continue en déclarant que ce terme n'a pas de correspondant verbal direct dans le texte de Suétone, MAIS qu'un autre verbe colle tout à fait à ce schéma "sens 1 : bruit ; sens 2 : bruit qui court" et que ce verbe, c'est percrebrescere (rien qu'en le prononçant, c'est assez évident, même si, en l'occurrence, ce n'est pas fait exprès).

A ce stade-là, si vous n'êtes toujours pas morts d'ennui (I'm trying hard, though ! :p), vous pensez que je vais vous achever lorsque je vous annonce fièrement que le mot apparaît quatre fois dans l'oeuvre. Dans trois cas sur quatre, on ne peut pas vraiment faire la différence entre le sens "bruyant" et le sens "colportant". Mais dans un cas, c'est assez parlant.

Et c'est là que je vous balance ma Botte Secrète, c'est-à-dire Tib. 45.2. C'est après un développement sur comment Tibère aurait fait pression sur des femmes pour les pousser à coucher avec lui ; l'une d'elle aurait même préféré se suicider, en dénonçant ses menées, plutôt que de lui céder (les conditionnels sont de moi : Suétone, lui, présente tout ça comme absolument vrai). Du coup, comme le seul moment où le peuple pouvait s'exprimer était les jeux, notre ami biographe écrit :

Unde mora in Atellanico exhodio proximis ludis adsensu maximo excepta percrebuit : "hircum uetulum capreis naturam ligurire

"Et c'est pour cette raison que, aux jeux qui suivirent, dans une atellane (un type de comédie) donnée comme épilogue, cette formule fut accueillie avec le plus grand accord et provoqua beaucoup de bruit : "le vieux bouc lèche le sexe des chèvres sauvages."


Et voilà le travail ! Vous êtes tout de suite ravigorés, hein ! :p J'avoue que, même pour la rédactrice, c'est assez marrant de pouvoir glisser des exemples de ce genre. :p

On peut dès lors, selon la bonne vieille règle de la conclusion ("une-conclusion-doit-résumer-les-points-principaux-du-développement-et-ouvrir-le-sujet" ; ce qui est toujours mieux que l'anglo-saxon "j'ai-annoncé-que-j'allais-dire-ça-et-j'ai-effectivement-dit-ça"), donner deux prolongements à ce post :

1) c'est quand même la preuve que Gala, Closer et Public sont franchement des petits joueurs ;

2) vous croyez que bosser sur un sujet pareil est un argument valable pour me faire payer par Paris 10 et/ou l'ENS un abonnement auxdits Gala, Closer et Public ? Je me les ferais envoyer au 45 rue d'Ulm, bien sûr, ce serait tellement plus classe ! :p


(Bûches de Noël en forme de cochons en pâte d'amande, rencontrées au détour d'une visite à Strasbourg)

jeudi 18 mars 2010

Roman photo

«Euh... Jacky ? - Oui, Jean-Mi ? - Ch'crois qu'on est cernés, là. Notre espace vital se réduit, va falloir faire quelque chose...»


«Attends, je crois que j'ai trouvé un passage ! Dans deux minutes, on pourra crier "thalassa ! thalassa !


«La vache ! C'est étroit ! Elle nous laisse pas beaucoup de possibilité de mouvement, cette cinglée !»


«Merde ! On est coincés !!!!»


«Au secouuuurs !!! On veut sortir de là, siouplaît quelqu'un !!!!!»


Je crois que j'ai définitivement trop de bouquins sur mon bureau...


mardi 16 mars 2010

Bis repetita NON placent !!!

Alors c'est l'histoire d'une fille, elle se pousse pour aller en cours. Même qu'elle se dépêche pour être à l'heure. Ce qu'elle ne réussit pas à faire et, avec cinq minutes de retard, elle et deux autres élèves (arrivées avant elle) ne savent pas que le cours a encore changé de salle. Heureusement qu'elles n'ont le choix qu'entre deux endroits : quand la porte de l'un est fermée, en règle générale, c'est l'autre.

Quand elles arrivent, les deux premières élèves sont en train de combiner un truc louche, le plus louche étant peut-être que le prof est à l'heure dans la salle, alors qu'il arrive normalement avec toujours une bonne vingtaine de minutes de retard et disparaît aussitôt en nous chantant l'air du "Oh...! J'ai oublié de faire des photocopies !", ce qui lui permet de nous faire le coup de l'Arlésienne pendant encore un quart d'heure. Mais aujourd'hui, pas de bol, pour lui comme pour moi : il avait oublié sa carte de photocopie.

Ce qui met tout le monde dans une situation proprement ridicule : avec un seul exemplaire du texte pour six personnes, comment c'est-y qu'on travaille ??? C'était d'ailleurs précisément ce qu'étaient en train de combiner les deux qui étaient à l'heure : se mettre l'une à côté de l'autre, pour pouvoir partager le texte ; avec les trois nouvelles arrivées, c'est impossible à faire, à moins de pratiquer assidument la lévitation (ce qui n'est pas mon cas et je le regrette : ça aurait de la gueule !).

On perd encore un quart d'heure, une étudiante finit par proposer de faire les photocop' sur sa propre carte. Quand elle revient, notre honnête étudiante sent les poils de sa nuque se hérisser d'horreur : elle a déjà eu cours sur ce texte avec le même prof la semaine d'avant, dans le séminaire sur la vie et l'oeuvre de la pomme de terre. La même traduction. Le même commentaire. Les mêmes "trous" ("Ah... euh... alors, ce mot-là, je n'ai pas eu le temps de le chercher, mais ça doit vouloir dire..."). Le même "lien" avec le cours précédent ("On est loin de la simplicité de la maison de campagne du gouverneur d'Achaïe."), dont je finis par ne même plus savoir si c'est celui du mardi ou du mercredi.

L'horreur.

J'ai cru que j'allais mourir lorsque la même étudiante a dû repiocher dans sa carte de photocopies pour que tout le monde ait... le texte qu'il nous a donné, la semaine dernière, à préparer pour le cours de demain.

Désespérée, j'essaie de faire une allusion "subtile" au Tragique de ma Situation : "Attends, montre-moi le texte ? Bah, écoute, si ça ne t'embête pas de mettre ton exemplaire au milieu, ne me le photocopie pas : je l'ai déjà eu la semaine dernière."

Le prof : "Ah, oui, c'est vrai que c'est embêtant."
Moi : "Le problème, c'est qu'on est deux à assister aux séminaires du mardi ET du mercredi, voyez-vous."
Le prof : "Ah, oui, alors il faudrait que j'adapte mon cours (Moi, in petto : "Bravo Einstein ! Ça fait au moins un mois que l'autre prof a pigé ça !")... Peut-être faire quelque chose de plus général dans un des deux séminaires...?"
Moi : "Oui, ce serait sans doute une bonne idée..."

Résultat : la seconde heure était moins pire que la première ; mais devinez qui va se faire chier comme un rat mort demain matin, pour cause de bis repetita quae non placent...?


EDIT mercredi 17 : Je me suis effectivement tapée exactement le même cours et j'ai dû répéter au moins vingt fois au prof : "Non, ça, c'est ce qu'on a fait hier, pas mercredi dernier...".

UNE différence : il a débordé d'une demi-heure, ce qui veut dire que j'ai eu, cette semaine, trois heures et demie avec ce prof, dont deux heures et demie de cours que j'avais déjà entendu, soit la veille, soit le mercredi d'avant, et que je retrouvais mot pour mot, remarque pour remarque, question pour question. Elle est pas belle, la vie ?

"On achève bien les chevaux..." Et les étudiants ?

jeudi 11 mars 2010

Fronton et la Communauté de l'editio

Dans le monde des gentils antiquisants, il y a parfois des moments où il est nécessaire de se livrer à deux opérations très peu recommandables et pourtant inévitables. J'ai nommé 1) le Relevé d'Occurrences et 2) la Consultation de Passages Parallèles, i.e. où un autre auteur traite plus ou moins du même sujet ; par exemple, sur l'incendie qui a eu lieu à Rome en 64, sous le règne de Néron, les passages parallèles chez Tacite et Suétone sont respectivement Annales livre 15 paragraphes 38 à 42 (qu'on abrège en "Tac. Ann. XV 38-42") et Vie de Néron paragraphe 38 aussi sections 3 à 6 (abrégé en "Suet. Ner. 38.3-6").

Autrefois, réussir ces deux démarches demandait une mémoire d'éléphant et/ou un système de fifiches absolument béton. Comme les Allemands du XIXème et du début du XXème siècle réunissaient incroyablement ces deux critères (il paraît qu'on n'a pas encore fini de dépouiller tous les papiers, notes et autres idées qui sont dans la bibliothèque du génial Theodor Mommsen), ce sont en général eux qui s'y sont attelés. Avec des conséquences annexes telles que : on ne dit pas "recherche des sources", mais "Quellenforschung" ; 'sont trop forts, ces Allemands ; si seulement j'arrivais à maîtriser suffisamment leur langue pour lire leurs articles... Enfin, bon, bref.

(Theodor Mommsen ; auteur inconnu ; source : Wikipedia Commons)


Aujourd'hui, l'antiquisant a UN ami, un camarade, un frère en Antiquité. Il s'agit de

Diogène.

Il est grand, il est beau, il est en libre accès (ici ; mais lisez la suite d'abord avant de vous y précipiter). Il a UN défaut : il ne fonctionne pas tout seul. C'est en effet un logiciel de recherche dans les bases de données de textes antiques (soit le Thesaurus Linguae Graecae et le Thesaurus Linguae Latinae), mais, si vous n'avez pas préalablement installé sur votre ordinateur ces bases de données (qui, elles, ne sont pas en libre accès, donc il faut que votre département ou votre bibliothèque aient acheté les CDRoms, ce qui est en général le cas), il fonctionnera dans le vide. Mais si vous les avez, alors vous pouvez chercher des occurrences ou un passage particulier dans la quasi-totalité des œuvres antiques. Chouette, non ? Révolutionnaire, plutôt, mon cher Watson.

Mais le problème est que, comme pour la plupart des bases de données en ligne, souvent, les éditions qui sont utilisées sont vieilles, voire archi vieilles. Donc, au niveau philologique, elles risquent fort d'être dépassées depuis un bon moment, ce qui représente un gros os, parce que l'établissement des textes antiques est quelque chose de très important. Autre tuile, les références correspondent rarement à celles qui ont ensuite été "standardisées" (en lettres classiques, on ne standardise pas grand chose, mais on s'est quand même rendu compte assez rapidement qu'il était un peu gênant que, lorsqu'un chercheur anglais donne telle référence dans l'oeuvre d'un auteur, elles correspondent, dans l'édition de son collègue italien, à un tout autre passage...) ; c'est moins grave (on vous reprochera toujours moins de vous être légèrement planté dans les références d'un passage que si vous avez bossé à partir d'une lecture totalement erronée d'un manuscrit, qui fait que votre texte, et donc ce que vous dites dessus, est fondamentalement faux), mais ça vous fait quand même passer pour un branquignol...

A chaque fois, donc, que vous utilisez l'ami Diogène, il vaut mieux aller ensuite vérifier en bibliothèque les références des passages auxquels vous renvoyez, en utilisant l'édition de référence du texte en question, généralement, en France, celle de la collection Budé. Par exemple, le texte du De Lingua Latina de Varron est beaucoup plus sûrement établi dans le Budé de 1985 que dans l'édition de 1910 donnée par Diogène : vous pouvez me croire sur parole, je me suis arrachée les cheveux hier en essayant d'en traduire un passage et mes problèmes se sont envolés lorsque j'ai mis le nez dans le Budé ; béni soit Pierre Flobert.

Le hic, c'est quand il n'existe pas d'édition Budé pour votre texte. Exemple tout à fait personnel et absolument récent, puisqu'il m'a valu presque une heure d'élucubrations en bibli ce matin : je suis en train de rédiger la première partie de mon mémoire ; j'ai besoin de faire un point sur les définitions des mots fama, rumor et opinio. Pour ce genre de choses, il existe un outil très pratique, qui s'appelle le Thesaurus Linguae Latinae : c'est le même nom que la base de données sur les textes latins, sauf que c'est un dictionnaire, bourré d'exemples et d'occurrences ; là encore, il n'a qu'un défaut : il est, pour le moment, bloqué à la lettre P (donc, pour rumor, je peux aller me brosser).

Or il se trouve que, à l'article "fama", il me donne une définition de Fronton, philosophe et grammairien dont l'empereur Marc-Aurèle fut le disciple. Cette définition est géniale, en plus elle fait la différence entre mes trois termes ; d'ailleurs, la référence de l'oeuvre est "De Diff. Serm.", ce que je comprends par "De Differentia Sermonum". Bon. Je vais quand même vérifier dans mon Gaffiot et là, je trouve un "Diff." pour "Differentiae", mais à l'entrée "Pseudo-Fronton" (i.e. qu'on a d'abord cru que Fronton en était l'auteur, puis on s'est rendu compte que non, mais comme on n'a pas le nom de celui qui a vraiment écrit ce livre, on continue à l'appeler "Fronton", avec "Pseudo" devant, pour montrer qu'on sait que ce n'est pas lui). La preuve, c'est que Diogène donne le texte sous le nom "Anonymus de differentiis (Fronto)", ce qui est une plaisante manière de dire "oui, bon, personne n'est d'accord sur l'attribution de ce texte, alors on a préféré rester le cul entre deux chaises".

Comme l'édition qu'ils ont reprise date de... 1880, je passe en bibliothèque (après avoir déposé mon dossier de thèse à qui de droit : alléluïa !!!) ce matin, pour vérifier les références de ma citation. Problème : à part son traité sur les acqueducs romains, traduit par le divin Grimal, Fronton ne semble pas avoir été édité en Budé. Après moultes recherches, j'ai fini par mettre la main sur deux éditions de... 1816 et 1823, dont une seule a un apparat critique et qui, surtout, ne sont pas d'accord sur l'établissement du texte. C'est sympa, les gars, et je fais comment, moi ?

Ben, je cherche l'édition Teubner (édition allemande, donc a priori béton au niveau philologique, mais totalement unilingue) de 1988, dont je viens de découvrir l'existence et que je n'ai pas trouvée à l'ENS ce matin.

Devinez qui va devoir reperdre du temps en bibli demain, alors qu'elle a un mémoire à rédiger...?

samedi 6 mars 2010

Best of... oraux

Histoire de donner du courage à ceux qui vont passer des oraux (et me faire pardonner d'un long silence, dû, vous vous en doutez, en partie aux vacances), voici un petit best of (ou worst of, au choix) de ceux que j'ai passés, prépa, concours et agrèg' inclus. Ou la preuve qu'on peut intégrer avec des oraux catastrophiques (à condition, toutefois, de bétonner ses écrits, d'où mon conseil : me mettez pas la charrue avant les boeufs !!!). Et aussi qu'on ne sait jamais ce que peut donner un oral.


Philo ENS :

"Oui, bon et donc, vous nous avez parlé de la théorie scientifique, mais qu'est-ce qu'une théorie scientifique ? Vous pouvez nous en donner un exemple ?"

Oh, putain de merde... On me l'avait raconté, genre "légende khâgnesque", pendant mon hypokhâgne ; j'avais ricané, mais j'aurais mieux fait de la fermer...



Philo prépa :

"Et sinon, vous êtes en train de lire quoi, pour mon cours ?
- L'Être et le Néant.
- Aaaah... Oui.. Heu... Bien... Je vous souhaite une bonne soirée."

Et merci, les copains, pour m'avoir informée sur l'Ultime Demande de chaque khôlle de philo ! J'aurais répondu Les Méditations métaphysiques, il m'aurait soumise à la question. ("Ah ? Intéressant ! Et vous en êtes où, exactement ? Et vous en pensez quoi ?")..! Le pire était sans doute que j'étais en train de le lire, ce bouquin ! :p



Médiévale, agrèg' :

"(voix nasillarde, légèrement ironique) Mademoiselle, vous avez parlé de sizain... vous pouvez nous le définir ?
- Eh bien, c'est un groupe de six vers...
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, mais encore...?
- Et bien, ces vers sont aussi disposés selon un schéma particulier...
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, mais encore...?
- Eh bien...
- Vous trouvez que ces six vers forment un sizain ?
- Eh bien, ils sont répartis entre deux répliques, avec trois vers chacun, mais le schéma des rimes correspond. (ton empressamment conciliant) Mais, si vous voulez, on peut considérer que ce sont deux tercets... Le schéma des rimes montre qu'ils sont liés entre eux et forment bien une seule et même partie. Cela ne remet donc pas en cause mon découpage de cette scène selon les différents mètres employés. Non ?
- Oui, mais encore ? C'est un sizain ou deux tercets ?
- Je dirais que c'est un sizain...?
- (ton sec) Mademoiselle, ici, c'est moi qui pose les questions."

Nom de Dieu, c'est franchement mal parti...



Histoire ancienne, ENS :

"Et, sinon, vous avez une idée de la surface moyenne cultivée par un paysan grec au Vème siècle ?"

Cette honnête étudiante admissible vient de basculer dans la Sixième Dimension : pour elle, le cauchemar a déjà commencé.



Latin, agrèg' :

"Bon, une petite dernière pour la route : vous avez parlé des Sicambres, vous pouvez nous dire quel célèbre héritier ils auront plus tard ? Je vous aide : c'est en rapport avec l'histoire de France."

Mon rapporteur saisit parfaitement une blagounette que je ne comprends pas et fait de son mieux pour contenir son fou rire. La chouette qui constitue le troisième membre du jury se bronche pas. Celui qui m'avait posé la question, bon prince, finit par me donner la réponse en me raccompagnant vers la porte : vous vous souvenez du baptême de Clovis et de ce que l'évêque est sensé lui avoir dit ? "Courbe-toi, fier Sicambre..." J'ai failli lâcher : "Ah, oui, il y a une contrepèterie cochonne, avec cette phrase...!!!" :p



Histoire ancienne, ENS :

"Vous l'avez rappelé, la triade méditerranéenne est composée de l'olive, du raisin et du blé. Mais bon, le blé, comme vous le savez peut-être, ça a besoin de beaucoup d'eau, ce qui pose problème en Méditerranée. Comment dit-on "blé", en grec ?
- Σίτον (pour ceux qui ne lisent pas le grec : "siton").
- Très bien. C'est assez vague comme terme.
- Oui, ça peut aussi désigner la nourriture en général.
- Bien. Et, à votre avis, quelle céréale ça peut désigner ?
- Euh... L'épeautre ?
- Bien essayé, mais non.
- L'avoine ?
- Non plus.
- Le seigle ?
- Non.
- Le sarrasin ?
- Hein ? Non, non. Allez, je vous aide : on l'utilise aussi pour faire de la bière.
- L'ORGE !!!!!

Ou comment les amateurs de bière se trahissent sans le vouloir... :p



Histoire ancienne, ENS (décidément, oral collector) :

"Quelles sont les sources antiques qui nous donnent des informations sur l'agriculture grecque ?
- Euh... euh... Xénophon et son Economique...?
- Oui, mais surtout...? Un auteur encore plus ancien ?
- (effort surhumain) Hésiode...?
- Voiiilà, c'est ça. Vous pouvez nous donner le titre de son ouvrage ?
- Euh... (merde, merde, merde !)
- Je vous aide : "Les hinhin et les hinhin".
- Ah oui, euh, "Les hinhin et les jours".
- Et le premier terme, c'est...?
- Euh...
- En sept lettres.
- Euh... (effort très intense)
- Ecoutez, on ne va quand même pas vous faire un pendu. Qu'est-ce qu'on fait pendant la journée...?
- On travaille ! Les Travaux et les Jours !!!!"

Notre malheureuse candidate n'aurait pas marqué beaucoup de points à Questions pour un champion...



Histoire contemporaine, ENS :

"Vous pouvez nous donner le nom d'un personnage important qui a participé à la contre-attaque de 67 ?
- (très fièrement) Benyamin Netanyaou !!!!"

Cette fois-ci, notre candidate aurait pu marquer des points à Questions pour un champion, si elle n'avait pas dû écourter la troisième partie de son exposé, faute de temps...



C'est tout pour aujourd'hui, mais il n'est pas exclu que j'en rajoute, si d'autres me viennent à l'esprit...!