mercredi 8 février 2012

La prépa vécue par Lina

Je ne voudrais pas répéter ce que j'ai déjà dit ici et là sur ce blog, mais enfin, il me paraît juste qu'après Eunostos, ce soit moi qui m'y colle.

J'ai donc passé trois ans dans la prépa littéraire d'Orléans. En province, donc. Petite prépa, surtout pour la section Ulm, dont l'effectif culmina à respectivement 15 et 17 élèves lors de mes deux khâgnes ; la khâgne Lyon était un peu plus remplie ; les deux hypokhâgnes devaient être entre 40 et 50 élèves, à la louche (je vous ai parlé de mes difficultés à évaluer tout ce qui est distance, poids, effectif, etc. ?). J'ai fait prépa parce que, en 4°, lors des fastidieuses recherches d'"orientation" au CDI, j'étais tombée sur un machin appelé "ENS" et n'avais pas vraiment compris pourquoi le prof de mon collège de campagne à qui j'en avais parlé en toute inconscience m'avait regardée comme une folle. Oui, je sais : j'ai commencé tôt.

Pendant ma première année, je n'avais qu'une obsession : dormir, dormir, dormir. Je ne me suis pourtant jamais couchée très tard pendant ces trois années : il me faut mes huit heures par nuit, sinon je commence à mordre les gens (ou à avoir une migraine qui me transforme en zombie - mais, à l'époque, je mordais les gens : ah, la jeunesse...). Je n'ai souvenir que d'une seule fois où je me suis retrouvée à plus de minuit en train de travailler et j'étais si exténuée que je me suis mise à pleurer tellement je ne comprenais rien - il faut dire que j'avais un commentaire de texte à faire sur "Kubla Khan" de Coleridge, que j'avais renvoyé à la veille pour le lendemain, en présumant trop de mon pourtant assez bon niveau en anglais. Avantage : en prépa, lorsque tu annonces que tu ne te couches jamais après 22h, tout le monde te regarde comme si tu étais Wonderwoman. Inconvénient : avec des potes à la fac', quand tu annonces que tu ne te couches jamais après 22h, tout le monde trouve ça naze.

J'étais donc très fatiguée, mais franchement contente de ce que je faisais. Le prof de géo a même presque réussi à me faire aimer sa matière (ou plutôt : à me faire me rendre compte que ce que j'avais fait jusque là n'était pas de la géo), surtout après cette phrase mythique : "Vous savez, une étoile de mer, c'est plus intelligent que ça en a l'air !" (cours sur le littoral français). Et puis j'ai rencontré Dieu, le prof de latin-français. Voilà, tout est dit.

En khâgne, j'ai continué sur ma lancée : comme la première année, l'ambiance était bonne, meilleure, même, le petit effectif aidant. On était une poignée d'amis, on se connaissait bien, on est allé squatter les réunions Guillaume Budé ensemble (une des dernières conf' de Vidal-Naquet ou comment j'ai cru que j'allais perdre le contrôle de ma vessie lorsque j'ai levé la main pour Poser Une Question). Personne ne préparait le concours en y croyant, mais tout le monde a joué le jeu. Les écrits sont passés, le chouette moment où on n'a cours que le matin alors que les beaux jours s'installent est arrivé, le jour des résultats d'admissibilité, lorsque le prof d'histoire a demandé si quelqu'un pensait avoir quelque chose, personne n'a répondu : je me suis retrouvée admissible, ce qui m'a valu de me faire charrier toute la soirée, lors du repas de classe ("Hé, Lina ! T'es abonnée à l'eau, alors ! Demain, faut que tu aies les idées claires pour réviser !").

Mon année de khûbbe a été à la fois un bon et un mauvais moment. Un bon parce que j'avais déjà fait le programme, je connaissais le processus de A à Z, je savais ce qu'il fallait que je travaille. L'ambiance était toujours aussi bonne, malgré le changement radical de têtes : nous étions deux khûbbes, ce qui était exceptionnel pour Orléans et qui, en même temps, poussait tout le monde à travailler encore plus sérieusement, parce qu'il y avait un vrai enjeu, mais sans pression aucune. J'étais hyper organisée (j'ai tenu mon programme de lecture deux mois ! un record !), ce qui me permettait de passer une partie de mon temps à m'aérer les neurones sur un forum d'aide à la traduction en latin (si, si, je vous jure que c'était une aération !), mais m'a valu, de la part de mon plus jeune frère, avec toute la saloperie de ses quinze ans, le surnom de "la zombie". 

Par contre, je ne supportais plus grand chose, ce qui fait que je suis devenue particulièrement chiante à la maison (en quoi le surnom que j'ai reçu n'était que de très bonne guerre) ; ma mère a toujours affirmé que, s'il avait fallu que je bikhâtte, elle aurait serré les fesses, mais, en vérité, quand je jurais mes grands dieux qu'il était hors de question que je fasse ça, tout le monde était soulagé. Il faut dire que j'ai eu une période particulièrement déprimée en décembre-janvier, qui s'est cristallisée autour du prof d'histoire, dont les cours, pour faire bref, n'étaient pas des cours. Ce que je ne savais pas, c'était que tous les khûbbes dépriment plus ou moins à cette époque-là et que ça s'arrange au printemps - mais comment le savoir quand le dernier khûbbe de votre lycée a quitté l'établissement à peu près au moment où vous y entriez en seconde ? Heureusement, j'ai écrit à mon ancien prof de l'année d'avant parti à la retraite, qui a aussitôt appelé à la maison pour me remonter le moral. J'ai arrêté d'aller en histoire et en histoire ancienne pour travailler ces matières par moi-même, le printemps est arrivé : j'allais beaucoup mieux.

Et puis j'ai été à nouveau admissible (ainsi que l'autre khûbbe et un khârré) et tout le monde a continué à venir en cours et à passer des colles - entre deux parties de pétanque, quand même (la prof de français nous regardait arriver et poser nos boules par terre, pour tirer un sujet, avec un petit regard halluciné). 

Je ne peux pas finir cette note sans donner un dernier exemple significatif de ce que j'ai vécu durant ces trois années : pendant la période entre les écrits et les oraux, la prof d'anglais a dû me faire passer plus d'une dizaine de fois en colle, sur son temps libre, sans être payée, parce qu'on savait toutes les deux que c'était un de mes points faibles (j'aimerais bien vous y voir, moi, à faire un commentaire composé en anglais en une heure) : je suis passée de 6,5 à 14,5.

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