lundi 10 septembre 2012

La minute féministe

Pour ceux qui n'ont pas à supporter mes pleurnicheries sur Twitter, Chéri est en train de boucler son M2. Plus ou moins au dernier moment, comme d'hab' (pas de raison pour qu'il procède différemment de quand il doit rendre une partition). Du coup, je corrige sans qu'il ait eu le temps de se relire au moins une fois, ce qui, au bout de deux semaines de ce régime (y compris pendant le colloque auquel je participais fin août), a fini par me rendre à peu près aussi grognon qu'en décembre, quand je me coltine quatre-vingts articles d'étudiants de L1, pleins de fautes d'orthographes et que j'ai très envie de renvoyer sans les avoir lus, après avoir seulement écrit en gros, gras et rouge sur la première ligne : "CHARABIA NOM D'UN KANGOUROU !!!!" (remarquez, je devrais peut-être). Ce n'est pas qu'il écrive mal, mais son style est une sorte de mixte entre Cicéron, Tite-Live et Proust ; son record étant (pour le moment) une phrase de douze lignes, you can call me Virgulator et Reformulator.

Tout ceci me fait donc penser très fort à ces petites mains citées dans les remerciements, au début de thèses ou d'ouvrages de mille pages : "Je remercie mon Directeur Adoré Chéri d'Amour, dont l'Auguste Intelligence a éclairé mon Chemin, etc., etc. Maman, papa, yop" (je vous rassure, les remerciements de Chéri à mon égard sont tout ce qu'il y a de plus choux). J'ai, en particulier, une pensée pour ces femmes de chercheurs qui, à l'époque où les ordinateurs et les imprimantes n'existaient pas, se tapaient : 1) le déchiffrage de l'écriture manuscrite dégueulasse de leur Cher Mari ; 2) la tape à la machine de tout ce sabir à peine compréhensible ; 3) la re-tape à la machine etc., etc., parce qu'il avait eu une autre idée et qu'il voulait ajouter quelque chose ; 4) les courses ; 5) la cuisine ; 6) le ménage ; 7) la vaisselle ; 8) les enfants ; 9) le reste de la famille à gérer (genre moi ces deux dernières semaines, les points 1), 2), 3) et 8) en moins).

Ces femmes-là, on n'en parle jamais, on les croise rarement, sauf, parfois, en fin de colloque/réunion/séminaire du samedi matin ou du vendredi soir et, plus souvent, dans lesdits remerciements : "Je remercie ma tendre épouse, pour son soutien, sa présence, etc., etc." En fait, c'est à elles qu'on devrait décerner un titre.



(Bien sûr, ça marche aussi pour Chéri, qui, quand il n'est pas plongé dans son M2, dossier pour un contrat doctoral, partition à rendre pour avant-hier, partition de mille pages à travailler au piano pour un concert après-demain soir (rayer la mention inutile), supporte ma monomanie, mes crises d'humeurs, mes petits cris aigus de chasseresse de manipulations historiographiques et mes questionnements existentiels de type "Mais pourquoi Chef n'a toujours pas répondu à mon mail ??? Ça fait pourtant au moins deux jours que je le lui ai envoyé !!!!" Je vous rassure, si j'en sors vivante, mes remerciements pour lui seront choupis.)

2 commentaires:

  1. Une fort juste pensée. Je suis déjà tombé sur plusieurs chouettes remerciements de chercheurs à leurs épouses. Mais à côté de ça, je ne compte plus les trucs qui se ramènent à une ligne en latin du type "Uxori trucmachinissimae", qui m'ont toujours paru prétentieux et donnent l'impression que rien n'a bougé depuis les arts funéraires romains où n'importe quelle femme est louée sur le mode de la matrone parfaite, à la fois chaste et féconde, et surtout remarquable par sa discrétion...

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  2. Il me semble être dans des remerciements de thèses pour "m'a débloqué alors que j'essayais de faire des choses compliquées en LaTeX".

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