dimanche 21 avril 2013

Candidater à un poste d'ATER, c'est comme rechercher un appartement

Campagne d'ATER, encore et toujours...

Grâce à Altaïr, je découvre des universités dont je ne soupçonnais pas l'existence. Shame on me et pourtant, s'il y a quelqu'un qu'on ne peut pas accuser de parisianocentrisme, c'est bien moi. Il y a des facs dans de grandes villes et des facs dans de petites villes ; il y a les facs dont on entend régulièrement parler et celles qui n'entrent qu'occasionnellement dans notre horizon bibliographique et séminarial. C'est comme ça que j'ai entendu parler de Pau, mais que j'ai découvert Chambéry sur Altaïr (à ma décharge, Chambéry n'a pas de cursus de lettres classiques, même s'ils proposent un doctorat en civilisations de l'Antiquité).

Je n'ai rien contre les facs relativement éloignées de Paris. Je n'ai rien non plus contre celles qui sont de taille modeste. Cela dit, étant donné que je risque fort de ne pas être payée des mille et des cents l'an prochain et que j'aurai besoin d'un minimum de temps pour finir ma thèse, je suis obligée de faire un certain nombre de calculs. En fait, cette campagne, c'est comme chercher un nouvel appartement : au début, même avec une idée en tête, on ne sait pas vraiment ce qu'on voudrait ; au bout d'un certain nombre de visites, on a surtout une assez bonne idée de ce qu'on ne veut pas.

Dans mon cas, le premier calcul est celui du temps mis pour rejoindre la fac en question et du prix que ça risque de me coûter. J'ai candidaté à Toulouse, mais avant j'ai regardé sur internet les trains, puis les avions : six heures, c'est trop ; une heure, ça va, même s'il faut compter les trajets pour aller et quitter l'aéroport. Je ne suis pas très emballée par les trois heures de train au bas mot pour rejoindre Limoges ou Chambéry.

(Sncf ? A nous de vous faire perdre patience ! ; source : Wikipedia Common)


Après, d'autres critères entrent en jeu. Bordeaux et Besançon sont assez loin de Paris, mais ils ont des équipes travaillant en historiographie antique. Montpellier, comme Limoges, est à trois heures de train, mais, outre que son équipe est aussi très dynamique et que certains de ses membres font également de l'historio, j'y connais quelqu'un et ma famille est en partie originaire de là, ce qui résoudrait la question de l'hébergement.

Facs proches, facs loin. Facs dynamiques, facs moins dynamiques. Facs avec une orientation de recherche particulière. Facs renommées, facs moins renommées.

Mais aussi : poste à plein temps, poste à mi-temps. Appel à candidature en multisection ou juste dans la mienne (les disciplines sont réparties en différentes sections du Conseil National des Universités ; un appel à candidature multisection, comme son nom l'indique, est un appel concernant plusieurs sections et non un appel pour une section). Appel à candidature "Langues et littératures antiques" ou appel à candidature "Latin".

Pour le moment, j'ai candidaté presque à chaque fois qu'un poste était signalé sur Altaïr. Les deux cas où je ne l'ai pas fait étaient trop loin et sans compensation suffisante par ailleurs. Je n'ai pas candidaté là parce que je mépriserais ces facs (ce n'est pas le cas) ou parce que m'éloigner de Paris m'angoisserait (ce n'est surtout pas le cas), mais parce que, finalement, le meilleur conseil que j'aie eu à propos de cette campagne m'a été donné sur la page de présentation de la Guilde des doctorants : "ne candidatez pas là où vous ne voulez pas aller", quelle qu'en soit la raison.

(Ce paysage donne franchement envie d'aller étudier à Chambéry !)

dimanche 14 avril 2013

De l'épanouissement par les pièces justificatives

Ça y est, la campagne d'ATER bat son plein et je ne sais pas ce que je préfèrerais : que toutes les candidatures soient publiées d'un coup d'un seul, que j'y passe des jours et que ce soit fini ou que, comme maintenant, elles soient plus ou moins étalées, ce qui me permet de faire autre chose en même temps, mais m'oblige aussi à courir après Chef pour des signatures ou faire des aller-retours à Nanterre en quête d'un simple tampon.

Du coup, à force d'enchaîner les dossiers (j'en suis presque à 14) et, notamment, d'imprimer, remplir, signer à la file (je me demande d'ailleurs comment font les malheureux doctorants qui n'ont pas d'imprimante-scanner), je commence à avoir un petit aperçu des marottes administratives, en particulier en ce qui concerne les sacro-saintes pièces justificatives, toujours assorties d'un "s'il en manque, votre dossier ne sera pas recevable". Petit tour d'horizon.

1) l'annexite aiguë : annexe 1, annexe 2, annexe 3, 4, 5, 6, la ronde des annexes... Bien sûr, elles ne concernent pas toutes mon cas, mais enfin, la vue de la liste fait un certain effet, voire un effet certain.

Dans le genre assassinons encore plus la forêt amazonienne, il y a aussi :

2) le dossier et les pièces du dossier en double exemplaire : en cas de candidature reçue, ce sont six pages de brouillon potentiel ; en cas de refus, c'est double brouillon : jackpot !


(En ce moment, je contribue activement à la destruction de ces arbres ; "Forêt amazonienne depuis la rivière Alto Madre de Dios au Pérou ; Martin St-Amant - Wikipedia - CC-BY-SA-3.0)


Mais bon, évidemment, les Voies de l'Université sont impénétrables, donc, dossier en double exemplaire demandé, dossier en double exemplaire envoyé : il ne sert à rien de chercher à comprendre la logique administrative sous-jacente (car il doit y en avoir une). Mais il y a quand même des choses qui sont totalement obscures à mon imagination pourtant foisonnante :

3) la nécessité d'imprimer le dossier Altaïr ET le récipissé de candidature : lorsqu'on candidate à un poste, Altaïr édite une copie du dossier de candidature en ligne ; certaines facs le demandent, d'autres non. Altaïr édite aussi un récipissé de candidature, évidemment pour le candidat ; je ne sais pas trop ce que je pourrais en faire, mais bon, pourquoi pas. En revanche, je ne vois pas du tout pourquoi on m'a demandé de le joindre au dossier...

4) la pointillite : demander une preuve que j'ai eu mon master : euh... attendez... si je suis inscrite en thèse depuis presque trois ans, ce n'est pas la preuve que j'ai eu mon master ? "Copie du diplôme" : bon, je n'ai jamais demandé mon diplôme de master, jusqu'ici j'ai toujours utilisé sans problème mon relevé de notes de M2 portant la mention "admise", ça devrait aller. Réponse : "dossier incomplet, veuillez nous envoyer une copie de votre diplôme". Bon, d'accord...

5) la doppionite : différente du double-exemplarisme ! Toutes les universités demandent bien sûr d'envoyer un CV détaillé. Normal. Certaines précisent "comprenant liste des travaux et publications" ou bien "ou liste des travaux et publications" (j'ai du mal à imaginer comment on peut avoir une telle liste sans avoir aussi un CV, mais bon) ; d'autres demandent... les deux ! Euh... les travaux et publis ne sont pas censés être compris dans le CV ?


(Ah bon ? ceci n'est pas une pièce justificative valable ? ; source : Wikipedia Commons)


Enfin, notons que si le ministère, pour une fois, est relativement moderne (si toutes les facs pouvaient se décider à publier leurs appels sur Altaïr, au lieu de faire parfois bande à part, ce serait encore mieux). Notons aussi que cela se termine quand même presque toujours par un dossier papier bien lourd à envoyer par la poste (soutenons le service public, en espérant qu'il fasse son boulot en temps et en heure) : pour le moment, seules trois facs avaient soit une application spécifique pour déposer le dossier et les pièces en .pdf, soit proposaient d'envoyer le tout par mail. Une quatrième avait monté une application dédiée, tout en demandant d'envoyer les pièces par mail, et recommandait de consulter régulièrement son compte en ligne pour connaître l'avancement de la candidature ; cela ne l'a pas empêchée de m'envoyer un accusé de réception... par la poste : c'était donc à ça que servait l'enveloppe timbrée et affranchie à mon adresse...!

dimanche 7 avril 2013

L'adaptation, ça marche dans les deux sens

Ce billet m'a été inspiré par le "livetweet" d'une de ses formations "Savoir se vendre et cultiver son réseau" par l'excellente Caroline M. (dont vous devriez lire le blog si vous voulez meubler intelligemment votre temps de cerveau disponible).

Personnellement, j'essaie d'éviter ce genre de formations, non parce que je pense qu'elles n'ont rien à m'apporter, mais parce que j'estime avoir plus urgent à faire (à tout hasard, candidater à des postes d'ATER ou commencer à rédiger ma thèse) et que l'idée de passer huit ou douze heures sur ce sujet, même pour accumuler des attestations de présence, ne fait pas palpiter mon petit coeur d'antiquisante pourtant archi favorable aux Digital Humanities.

J'ai néanmoins la chance d'être dans une université qui organise ses formations doctorales de la manière la plus pertinente et adaptée possible, donc je précise que ce qui m'est proposé ne ressemble pas à la (presque) caricature dont je vais parler, mais, en général, sous l'intitulé "Savoir se vendre et cultiver son réseau" se cachent des aberrations de type :
  • management de bas étage ("Tout le monde répète après moi : JE PEUX Y ARRIVER !!!")
  • "psychologie" à la mords-moi le noeud ("Si vous n'arrivez pas à trouver un poste, c'est parce que vous manquez de confiance en vous ! Dites-vous juste : JE PEUX Y ARRIVER et vous y arriverez !!!")
  • "gestion des rapports humains" à vomir ("Une personne, en soi, n'est pas intéressante. Ce qui vous intéresse, c'est qui elle connaît, quelle position elle occupe, qu'est-ce qu'elle peut vous apporter. Qui elle est et ce qu'elle fait, on s'en fout.")
  • "conseils pratiques" à la con ("Mais faites-vous faire des cartes de visite, bon sang !!!" Lina Kigali, pas encore docteur en littérature latine et sans poste fixe, ça en jette, non ?)
  • "touche 2.0" tous azimuth ("Inscrivez-vous partout ! Sur LinkedIn, sur Monster, partout !!!" ; aucune mention d'Academia ou de HAL, encore moins d'Hypothèse.org)
  • bashage des réseaux sociaux ("Twitter, un blog, ça sert à rien ! Faut envoyer des mails et des candidatures spontanées !")
Bref, ces individus sortent la même soupe, qu'ils interviennent devant des chômeurs de Pôle Emploi, des doctorants ou des charpentiers-menuisiers. En général, quand on pose des questions et qu'on essaie de remettre en question la Vulgate, on s'entend répondre : "Ah oui, mais non, vous, vous êtes en lettres classiques, c'est fini tout ça ! Il faut vous adapter !"

(Cet homme est en train de cultiver son réseau ; "Acrobate ou jardinier ?" photo par Lorna 689 ; source : FlickR)


Alors, pour une fois, j'aimerais faire un Incroyable Voeu de Fou et demander à ces glandus qu'ils m'expliquent (entre autres) :
  • comment je fais pour avoir le mail de quelqu'un qui n'a ni de page perso, ni de véritable fiche annuaire sur le site de sa fac (quand il en a une sur le site de sa fac et pas sur le site de la fac où il était il y a déjà cinq ans)
  • comment je fais pour contacter quelqu'un qui, bien souvent, consulte sa boîte mail perso une fois par semaine et jamais celle qu'il a automatiquement dans son université
  • à quoi ça va me servir de mettre mon CV sur Monster et autres quand aucune fac ne consulte ces sites et que, de toute façon, aucun recrutement ne se fait de cette façon-là

 Les réseaux, dans le monde universitaires, ça peut se créer et se développer grâce :
  • à la participation active (intervenant) ou passive (auditeur) à des colloques ; ce qui implique de consulter régulièrement des sites d'appels à communication
  • à la participation, aussi, à des séminaires en lien avec ce que vous faites (sinon, les gens se demanderont principalement ce que vous foutez là)
  • à la participation, encore et toujours, aux séances régulières de sociétés savantes elles aussi en lien avec ce que vous faites (Société des Etudes Latines power !)
  • à une certaine visibilité sur internet, lorsque vous êtes en contact avec des gens que je n'ose qualifier de "normaux" pour ne pas sembler critiquer les autres, mais qui auront le réflexe google et pour lesquels il serait de bon ton que le seul résultat associé à votre nom ne soit pas celui d'une homonyme namuroise de 13 ans manifestement assez bonne au tennis dans les championnats régionaux (toute ressemblance avec un cas personnel étant bien sûr purement fortuite)
Mais de ces problèmes et de cet état de fait, ces gens des formations "Savoir se vendre et cultiver son réseau" ne nous en parleront pas, parce qu'ils n'ont aucune idée de ce qu'est le monde universitaire.

("Mademoiselle, votre réseau est extrêmement mal cultivé !" ; détail d'un dessin de Berthali, publié le 7 mars 1863, illustrant les préparatifs pour Pâques ; source : Wikipedia Commons)