jeudi 27 mars 2014

Expo Auguste au Grand Palais

Comme annoncé dans le précédent message, j'ai vu l'actuelle expo Auguste au Grand Palais, qui a ouvert le 19 mars et fermera le 13 juillet. Je n'ai pas visité la version parisienne, mais j'ai la version romaine, en décembre dernier. C'est normalement la même, étant donné que l'ensemble est le fruit d'une collaboration entre Le Louvre et le Museo Nazionale Romano de Rome. Ceci dit, il est possible qu'il y ait eu quelques modifications : les monuments romains n'étaient pas évoqués au Quirinal, parce que les Romains les ont sous les yeux, donc il est possible que quelque chose là dessus ait été ajouté pour Paris ; de même, le descriptif sur le site de la RMN parle d'une villa gauloise dont je ne me souviens absolument pas à Rome.

Par conséquent, si vous y êtes allés et que vous constatez des différences par rapport à ce que je raconte, n'hésitez pas à commenter (même si vous n'avez pas constaté de différences, d'ailleurs) !



La première chose à dire, c'est ALLEZ VOIR CETTE EXPOSITION ! Elle est vraiment bien. Le titre français est nettement plus grandiloquent que le titre italien (qui se réduisait à un simple Augusto, mais il faut dire qu'ils ont aussi une autre exposition de référence sur le sujet, à l'époque fasciste, donc ils ont voulu faire un parallèle-opposition, souligné par l'article d'E. La Rocca dans le catalogue), mais, en même temps, il est plus proche du contenu de l'expo.

Celle-ci porte sur la figure d'Auguste, i.e. sur la construction de son image historique, de son vivant, notamment via son discours politique et le programme iconographique de son règne. L'exposition de Rome s'ouvrait ainsi très justement sur le moment où Auguste meurt, puis passait sa vie en revue, pour finir sur sa divinisation. De salle en salle, on passait par une présentation de l'ensemble de la famille impériale, avec une excellente galerie de portraits ; la lutte contre Marc-Antoine ; le jeu sur l'astrologie ; le renouveau culturel permis par le retour de la paix, avec ses propres thèmes, notamment celui du retour de l'Âge d'or ; etc.

C'était vraiment très bien fait : les commentaires étaient ciblés et intelligents, la présentation soignée et les thèmes des salles bien conçus. Pour une fois, les commissaires se sont aussi mis à la place des non-spécialistes, en mettant à la disposition du public... des loupes, afin de pouvoir vraiment observer les monnaies et les intailles présentées. Parce que, vous, je ne sais pas, mais moi, lorsqu'on me dit « Sur cette pierre semi-précieuse, on distingue parfaitement un capricorne », j'ai beau plisser les yeux et aggraver ma myopie, je ne vois pas grand chose et j'en suis réduite à faire confiance à la personne qui m'a dit ça (ou au cartel situé à côté).

(Un des plus beaux portraits d'Auguste, que vous verrez dans cette exposition ; photo : Bibi, au Musée du Capitole)


Les quelques critiques que je ferai tiennent sans aucun doute au fait que je travaille sur la manière dont les Romains ont représenté leurs empereurs. J'ai ainsi trouvé dommage que le processus conscient et soigneusement conçu d'élaboration d'un "mythe Auguste" par Auguste lui-même ne soit pas plus souligné. Dans la galerie de "portraits de famille", rien n'était dit, par exemple, sur le fait que tous les membres de la famille impériale, petit à petit, sont représentés de la même manière (c'est très visible pour les cheveux, notamment). Il y a, en particulier, un buste de Tibère, réalisé au moment de son adoption : non seulement il a été sculpté de manière à ressembler à Auguste (alors qu'il n'avait aucun lien biologique avec lui), mais en plus on lui a enlevé vingt ans, pour le représenter comme un jeune homme, alors qu'il est à l'époque d'âge déjà mûr ! Le catalogue contient bien un article par le spécialiste de cette question, l'Allemand Paul Zanker, mais il aurait été bien d'expliquer cela. À vrai dire, je pense que centrer l'exposition entière sur cette question aurait même été passionnant, en parlant très clairement de propagande et de culte de la personne : soit les commissaires n'étaient pas intéressés par cela, soit ils ont eu peur de paraître rébarbatifs au public (même si je suis convaincue qu'il était possible de rendre tout cela parfaitement accessible).

Autre point "éternelle grincheuse", la salle sur "la vie quotidienne à l'époque d'Auguste". On croirait qu'il est impossible de faire une exposition sur l'Antiquité sans aborder systématiquement la vie quotidienne. Le Musée Maillol en est même devenu un spécialiste. Même chose, j'imagine que c'est dans l'idée que ça "parlerait" plus au public : « Ouais, comme ça, ils feront le parallèle avec leur propre vie, ce sera plus concret ! » C'est franchement sous-estimer le public non spécialiste (pour ne pas dire "populaire", même si je crains que ce ne soit lui, en particulier, qui soit visé), en partant du principe qu'il est idiot et incapable, par exemple, en cette période d'affiches électorales collées sur tous les murs, de saisir pourquoi Auguste prend bien soin de se faire représenter toujours à son avantage. Sans compter que, bien évidemment, ce n'est pas le quotidien d'un habitant d'insula qui est mis en scène, mais bien celui des classes supérieures ; là, le résultat visé, c'est « c'est trop cool, y a des bijoux en or ! »

Fin du point "j'en peux plus de ces marronniers".

Donc, allez-y ! Un des commissaires est un grand chercheur italien (E. La Rocca), c'est une très bonne expo et le catalogue, tout en restant assez scientifique, est, à mon avis, compréhensible du grand public (par contre, le calque sur une couverture dorée, c'est chic et cool, mais aussi hyper fragile, donc chiant à transporter et à consulter) !

jeudi 13 mars 2014

Dilemme professoral

Oui, je sais, ça fait cinq mois.

Mais ceux qui ont bouclé une thèse une fois dans leur vie me comprendront. Surtout s'ils ont, comme moi, bénéficié d'un contrat d'ATER temps plein. Avec de vrais bouts de cours magistraux dedans. Pour ceux qui ne sont pas passés par là, disons que, lorsque j'arrive à bosser une heure sur ma thèse tous les jours, ce n'est déjà pas mal, alors, entre mon sommeil et ce blog, j'ai choisi, désolée.

C'est seulement maintenant que j'arrive un peu à sortir la tête de l'eau, d'où ce retour en presque fanfare. C'est que je ne vous ai pas oubliés, vous, les trois pelés et un tondu qui passez encore par ici. J'ai quand même accumulé plein d'idées de notes, dont la plus futée serait (ou sera, mais je ne veux rien promettre, vu ce qui s'annonce pour les prochains mois - juste une info, quand même : j'ai été prise à la FIEC !!!) un post sur l'expo Auguste, qui va s'ouvrir au Grand Palais et que j'ai vue à Rome en décembre (oui, j'étais à Rome en décembre). Bref, ça va venir.

Côté thèse, j'en suis aux 2/3 de mon chapitre 4 (sur 7) et j'ai l'impression de pédaler dans la semoule tout en travaillant très beaucoup.

Il était donc temps que je me remette la tête sous l'eau et reprenne du retard dans ma préparation de cours en revenant ici. Typiquement, c'est avec une question sur la gestion de mes cours.

Je viens de découvrir que deux étudiantes, dont je pensais qu'elles avaient arrêté le latin, sont en fait inscrites à mon cours. Au bout de six semaines (sans compter les vacances), vous imaginez mon ahurissement quand j'ai entendu une autre étudiante, qui, elle, est toujours là, me demander si elle pouvait prendre des feuilles pour elles.


(Prof de latin découvrant par hasard l'inscription de deux étudiantes après six semaines de cours)

Le soir même, j'avais un mail commun des deux absentéistes, m'expliquant le pourquoi du comment de leurs "nombreuses absences" ("disparition totale" serait plus juste, de mon point de vue), s'excusant de ne pas m'avoir prévenue et me promettant moults justificatifs. Le fait est qu'elles ont eu de fort bonnes raisons de sécher. Mais cela n'explique pas pourquoi les problèmes de l'UNE ont entraîné l'absence des DEUX et, surtout, sur six semaines, faut pas déconner.

OUI, MAIS VOILÀ : quand j'étais en L3 (vous savez, du temps des Ages Farouches), j'étais censée assister à un TD de grec. Et dire que le niveau de ce TD était bas, c'est être encore en dessous de la réalité. Il faut dire qu'il était suivi d'une heure de renforcement sur la base du volontariat, donc il était plein de grands débutants avec des lacunes diverses, variées et assez étendues (la réponse à votre question « Mais qu'est-ce que tu foutais là ? » est : parce que j'avais cours ailleurs à l'heure des autres TD).

Au bout de deux semaines de ce traitement, j'allais à ce cours comme à l'échafaud et devais faire des efforts surhumains pour ne pas sauter sur la table en dansant la Carioca quand quelqu'un ne reconnaissait pas le nominatif d'un mot courant.

(Attention : ne pas savoir décliner logos en L3 peut avoir des effets surprenants sur certains de vos camarades de TD)

Et puis, au troisième cours, la prof a dit, en me regardant droit dans les yeux : « S'il y en a qui sont très bons et qui préfèrent travailler tout seuls, ils peuvent ne venir que de temps en temps ou juste aux partiels, je corrigerai leurs copies. » Inutile de dire qu'elle ne m'a ensuite revue que quatre fois dans l'année. Je sais qu'elle s'en est ensuite mordue les doigts, mais elle a tenu sa parole et m'a toujours corrigée sans rien dire. Je pense que je lui en serai éternellement reconnaissante.

Mes deux étudiantes sont plus ou moins dans ce cas-là. Ce n'est pas que leur niveau est bien plus haut que celui de l'ensemble du groupe, mais elles travaillent quand même sérieusement leur grammaire latine et récupèrent les notes de leur camarade présente. Sauf qu'il ne s'agit pas d'un arrangement entre nous, étant donné que je n'étais pas au courant. Bref, je suis coincée entre "le règlement, c'est le règlement et il ne faut pas déconner : envoyer un mail prend deux minutes ; en plus, vis-à-vis de la fac, ce n'est pas très réglo" et "ne sois pas si psychorigide, pense à Mme Machin à la Sorbonne et PAIE TA DETTE PAR JUPITER !!!"

M'enfin, quand même, faut pas déconner.